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Arbres et forêts dans les arts

Une famille d’arbres de Jules Renard

29 avril 2021

Observateur passionné de la nature, Jules Renard (1864-1910) lui rend hommage en publiant à la fin du 19e siècle ses Histoires naturelles dans lesquelles il dessine avec humour et poésie un portrait de la faune et la flore qui l’entourent. L’ouvrage, qui inspire des illustrateurs de renom comme Henri de Toulouse-Lautrec, Pierre Bonnard ou Benjamin Rabier, est réédité à plusieurs reprises.

 

Jules Renard dresse notamment dans ses Histoires naturelles le portrait d’Une famille d’arbres dont le narrateur apprend les codes pour s’y fondre et se faire adopter :

 

« C’est après avoir traversé une plaine brûlée de soleil que je les rencontre.

Ils ne demeurent pas au bord de la route, à cause du bruit. Ils habitent les champs incultes, sur une source connue des oiseaux seuls.

De loin, ils semblent impénétrables. Dès que j’approche, leurs troncs se desserrent. Ils m’accueillent avec prudence. Je peux me reposer, me rafraîchir, mais je devine qu’ils m’observent et se défient.

Ils vivent en famille, les plus âgés au milieu et les petits, ceux dont les premières feuilles viennent de naître, un peu partout, sans jamais s’écarter.

Ils mettent longtemps à mourir, et ils gardent les morts debout jusqu’à la chute en poussière.

Ils se flattent de leurs longues branches, pour s’assurer qu’ils sont tous là, comme les aveugles. Ils gesticulent de colère si le vent s’essouffle à les déraciner. Mais entre eux aucune dispute. Ils ne murmurent que d’accord.

Je sens qu’ils doivent être ma vraie famille. J’oublierai vite l’autre. Ces arbres m’adopteront peu à peu, et pour le mériter j’apprends ce qu’il faut savoir :

Je sais déjà regarder les nuages qui passent.

Je sais aussi rester en place.

Et je sais presque me taire. »

 

Dans une autre de ses Histoires naturelles, Jules Renard décrit la journée du Chasseur d’images dont les « yeux servent de filets où les images s’emprisonnent d’elles-mêmes. » Lors de ses pérégrinations, l’homme entre dans un bois et se retrouve en parfaite communion avec celui-ci. Mais l’expérience est tellement intense qu’il doit quitter le bois : « pour qu’il communique avec les arbres, ses nerfs se lient aux nervures des feuilles. Bientôt, vibrant jusqu’au malaise, il perçoit trop, il fermente, il a peur, quitte le bois ».

 

Cette volonté de communion avec la Nature – le malaise excepté – est aujourd’hui recherchée par beaucoup comme en témoigne le succès rencontré ces dernières années par la sylvothérapie ou le « shinrin yoku » ; ces pratiques s’inscrivant au sein d’une tendance plus large vers plus de naturalité et vers une plus grande symbiose entre l’Homme et la Nature.

 

 

Visuel 1 : Illustration de la couverture des Histoires naturelles de Jules Renard par Benjamin Rabier © D.R.

Visuel 2 : © Christophe Deschanel

 

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