Retour en haut de la page
< Retour aux actualités

Fendeurs de merrains de génération en génération

1 mars 2018

Spécialisée dans la fente de merrains depuis deux siècles, la famille Charlois n’a depuis eu de cesse de valoriser et de promouvoir les chênaies françaises, notamment celle des Bertranges, et leur inestimable patrimoine forestier. Les archives d’état civil du département de la Nièvre permettent en effet d’attester que Jean Charlois, né à Chaulgnes en 1807, est le premier fendeur de la lignée des Charlois.

Jean Charlois est, du côté paternel, fils et petit-fils de couvreur, tandis que l’acte de naissance de sa mère, Jeanne Lithier, née en 1781 à Saint-Aubin-les-Forges, précise que son père, François Lithier, est bûcheron. L’acte indique par ailleurs que le parrain de Jeanne Lithier est « pierre merlin Bûcheron », parent de sa mère, Claudine Merlin. Cette famille tient vraisemblablement son patronyme, ou aptonyme, de son activité de bûcheron dans la mesure où le merlin est un outil servant à fendre le bois. Le rapprochement des familles Charlois, couvreurs, et Lithier, bûcherons, pourrait ainsi apparaître comme un mariage de raison avec pour corollaire la volonté d’associer un matériau, le bardeau de chêne, et un usage, la couverture des bâtiments.

La profession de couvreur dans un « pays de bois » comme celui des Bertranges est, à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle, directement liée à la forêt puisque la couverture des bâtiments est alors principalement réalisée en chaume ou en bardeaux (aissiaumes) de chêne. L’emploi de la tuile ou de l’ardoise ne se généralise en effet dans le département de la Nièvre qu’au 19e siècle. Dans son ouvrage consacré à l’architecture rurale du Bourbonnais et du Nivernais, Jean Guibal précise que « plusieurs auteurs ont relevé dans le passé la présence de bardeaux dans le Morvan, autour de Château-Chinon, et semble-t-il dans le nord du Nivernais jusqu’à la Puisaye. Ces bardeaux, en chêne (les aissiaumes), devaient être utilisés en assez grande quantité pour que la profession de fendeurs de bardeaux ait longtemps existé. » La pratique de la couverture en bardeaux de chêne est confirmée par Vauban, originaire du Morvan, dans ses Oisivetés : « Quand elle est bien clouée et faite de bon bois, elle peut durer 25 ans ; après quoi, la retournant, elle en dure encore 10 ou 12. Il n’y a que les gens à demi aisés qui s’en servent, à cause qu’elle est à bon marché dans les pays où il y a beaucoup de bois ; aussi n’en voit-on guère que là. »

Le recensement de population de la commune de Chaulgnes de 1820 comptabilise 1220 individus dont 57 portent le patronyme Charlois, répartis en 10 familles dont les chefs de famille exercent les professions de couvreur (4), vigneron (4) et cabaretier (2). Contrairement à ses ascendants, Jean Charlois s’oriente vers le métier de fendeur comme l’indique son acte de décès (16 juillet 1879) : « Jean Charlois, âgé de trente-huit ans, fendeur, […] fils du décédé, et Claude Pacault, […], voisin, […] ont déclaré que Jean Charlois, âgé de soixante-treize ans, né en cette commune, fendeur, […] est décédé en son domicile ». Les quatre fils de Jean Charlois (l’aîné, Pierre, étant décédé en 1845 à l’âge de 8 ans), exercent également la profession de fendeur. Le recensement de 1901 précise par exemple que le troisième fils de Jean Charlois, Antoine, assisté de ses deux fils aînés, Jean-Etienne et Léonard, sont fendeurs pour le compte de la famille Nourry, exploitants forestiers à Poiseux. Cinq ans plus tard, en 1906, les Charlois sont installés à leur compte : Jean-Etienne en tant que marchand de bois, tandis que Léonard et Henri fendent du bois pour leur père, Antoine. Le dernier-né des enfants d’Antoine et Marie Charlois, Eugène, né en 1900, est alors trop jeune pour travailler. Ce n’est qu’à l’âge de quatorze ans environ qu’il commence à exercer l’activité de fendeur avant de créer sa propre entreprise, en 1928, sur la commune de Murlin.

Légende visuel : © Photographie de Raoul Saulnier d’Anchald [ca. 1903]. À la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, l’activité de fente de merrains n’est pas encore sédentarisée. Les fendeurs travaillent directement sur les coupes et vivent bien souvent en forêt, dans des loges de forme conique et recouvertes de copeaux de bois.

À lire aussi
Archives mensuelles