Darney, ou la conquête des chênes
28 mai 2019
Jadis propriété de la maison de Lorraine, la forêt de Darney s’étend sur 22000 hectares et 36 communes des Vosges et de la Haute-Saône. Dès le XIIe siècle, abbayes et prieurés cisterciens s’installent en forêt, puis les ducs lorrains font venir des verriers tchèques et installer des forges et des aciéries, tous gourmands en bois.
Paru en octobre 2018, le livre Le Chêne en majesté, de la forêt au vin met en lumière le concept de terroir forestier : un sol et une exposition, une pluviométrie particulière, un ensoleillement spécifique, auxquels il faut ajouter un type d’essences, une densité de plantation et un âge moyen, qui vont influencer le grain et la qualité du bois. La valeur d’une haute futaie de chênes dépend donc de son terroir et de la manière dont elle a été « conduite », dirait un vigneron, ou « gérée », dit l’expert forestier.
Le livre, richement illustré de photographies, dresse notamment, à travers un abécédaire forestier offrant aux lecteurs de nombreux détails géographiques, mésoclimatiques, géologiques et historiques, la liste de vingt-six chênaies parmi les plus belles de France, à l’image de la forêt de Darney.
Jadis propriété de la maison de Lorraine, la forêt de Darney s’étend sur 22000 hectares et 36 communes des Vosges et de la Haute-Saône. Dès le XIIe siècle, abbayes et prieurés cisterciens s’installent en forêt, puis les ducs lorrains font venir des verriers tchèques et installer des forges et des aciéries, tous gourmands en bois. L’important massif forestier est désormais réparti en 8000 hectares de forêt domaniale gérée par l’ONF, 5000 hectares de forêt privée et 9000 hectares de forêt communale, avec une altitude moyenne de 230 mètres et une température moyenne qui est passée de 9,3 °C les trente années précédant l’an 2000 à 10,6 °C depuis. Castor et lynx, cigogne noire et écrevisse à pattes blanches sont quelques-unes des espèces animales que l’on peut y rencontrer.
Il s’agit d’une forêt continentale marquée par des pluies assez abondantes (1480 millimètres par an) et un sol de grès rouge du Buntsandstein avec de légers affleurements de granit. Dans la dépression forestière de Darney, le chêne est majoritaire (58 %), au côté des hêtres (31 %) et des résineux. « Nous avons une période importante de végétation et sur ces sols très fertiles, nous devons contenir la croissance du chêne en l’associant au hêtre », explique avec passion Bruno Gratia, le responsable de l’unité territoriale ONF de Darney-Bains. « Mais la longue histoire de cette forêt l’a dotée d’un patrimoine génétique exceptionnel et même après les coupes d’éclaircie, lorsque les chênes sont en pleine lumière, peu de gourmands poussent sur les troncs. » Dès le XIXe siècle, Charles Guyot, le directeur de l’école forestière de Nancy, notait que « les chênes y ont une rectitude de fût qui fait penser aux sapins de la montagne, et l’immense hêtraie se déroule à perte de vue comme un océan de verdure ». Scieries et merranderies représentent la principale activité dans cette forêt réputée et même recherchée pour la finesse de son grain.
Retrouvez l’intégralité de l’abécédaire des grandes chênaies de France, et bien plus encore, dans Le chêne en majesté, de la forêt au vin de Sylvain Charlois et Thierry Dussard.
