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Abécédaire des chênaies de France

Bercé, le berceau des grands fûts

29 janvier 2019

Dans le Sud de la Sarthe, entre Tours et Le Mans, la forêt domaniale de Bercé, que les merrandiers évoquent sous le nom de Jupilles, est une des plus belles chênaies de France.

Dans le Sud de la Sarthe, entre Tours et Le Mans, la forêt domaniale de Bercé, que les merrandiers évoquent sous le nom de Jupilles, est une des plus belles chênaies de France. Situés sur un plateau qui domine la vallée du Loir, ses 5 400 hectares sont constitués aux deux tiers de chênes sessiles, mais aussi de hêtres, de bouleaux et de pins. Bercé est à la fois l’héritage de la forêt gauloise des Carnutes et d’une ancienne forêt royale destinée à fournir en bois d’œuvre les vaisseaux de la marine de guerre. Aujourd’hui, plus pacifiquement, ses chênes approvisionnent les tonnelleries les plus réputées de France et c’est l’un des premiers grands crus de chênes. Son sous-sol calcaire recouvert de limon forme un terroir forestier idéal. Sauf à l’ouest, où les sols pauvres accueillent des pins.

Chef-d’œuvre végétal et fruit de plusieurs siècles de sylviculture, Bercé est sillonnée de nombreuses allées forestières qui se rejoignent à des carrefours en étoile. Sa partie la plus ancienne, la futaie des Clos, date de 1647. Elle abrite les plus vieux chênes de la forêt, dont certains ont été baptisés de noms familiers, comme il est d’usage. Le chêne Muriel rend ainsi hommage à un courageux commis forestier engagé dans la Résistance et mort en déportation en 1944. Il arrive parfois qu’une simple souche garde le souvenir d’un arbre remarquable, comme le chêne Boppe, foudroyé en 1934. Depuis, le chêne Roulleau de La Roussière, le chêne Potel et le chêne Lorne, du nom des inspecteurs des eaux et forêts qui ont veillé sur eux, ont pris le relais.

L’ONF perpétue en effet l’héritage des maîtres des eaux et forêts du Moyen Âge. Longtemps propriété des comtes d’Anjou, puis de la famille de Rohan, Bercé entre dans le domaine royal grâce à Charles IX, qui l’achète en 1563. Elle bénéficie ensuite de la grande réformation des forêts lancée par Colbert, puis s’agrandit par l’acquisition des landes de Grammont et de Haute Perche. Depuis 2017, Bercé fait partie des massifs forestiers qui ont reçu le label Forêt d’exception de l’ONF. Elle est traversée par le GR36 dans sa partie ouest et donc parcourue par de nombreux promeneurs qui apprécient les îlots de chênes tricentenaires. Plusieurs parties sont classées en zone Natura 2000 par l’Union européenne, qui a voulu ainsi distinguer les sites ayant une flore et une faune exceptionnelles. Tels le lycopode en massue, une herbe médicinale aux spores vertueuses, et le gomphe serpentin, une délicate libellule verte dont la seule présence sert d’indicateur de la pureté des eaux.

Les rivières et les mares participent à l’équilibre hydrique de cette forêt atlantique arrosée par des pluies pas si abondantes (690 millimètres par an) ; certains ruisseaux s’assèchent l’été, à la différence de la source de l’Hermitière et de la fontaine de la Coudre, d’où part un sentier pédagogique qui traverse des parcelles de séquoias. Bercé, malgré sa prédominance en chênes, offre donc une grande diversité, que l’on mesure au village de Jupilles, où la Maison de l’homme et de la forêt, Carnuta, propose de nombreuses animations.

Pour célébrer l’union du chêne et du chenin, deux vignerons des coteaux du Loir, au sud de la forêt de Bercé, Michelle et Christophe Croisard, du Domaine de la Raderie, ont créé une cuvée spéciale baptisée Chenin en Bercé. Logé dans des fûts de 400 litres fabriqués par Vicard avec des chênes de 220 ans, ce moelleux du millésime 2010 offre un concentré de terroir ligérien en misant sur la proximité géographique entre le bois et le vin. L’ONF a également noué un partenariat avec les cognacs Martell, mécène de Bercé, dont les plus beaux chênes sont transformés en fûts par la tonnellerie Leroi à Cognac. « Nous avons testé les bois de Bercé, de Tronçais et des Vosges, et Bercé surclasse le lot, assure Christophe Valtaud, le maître de chai de Martell. Ils apportent à l’eau-de-vie une finesse incomparable, avec de subtiles notes de vanille et de noix de coco. »

 

Paru en octobre 2018, le livre Le Chêne en majesté, de la forêt au vin met en lumière le concept de terroir forestier : un sol et une exposition, une pluviométrie particulière, un ensoleillement spécifique, auxquels il faut ajouter un type d’essences, une densité de plantation et un âge moyen, qui vont influencer le grain et la qualité du bois. La valeur d’une haute futaie de chênes dépend donc de son terroir et de la manière dont elle a été « conduite », dirait un vigneron, ou « gérée », dit l’expert forestier.

Le livre, richement illustré de photographies, dresse notamment, à travers un abécédaire forestier offrant aux lecteurs de nombreux détails géographiques, mésoclimatiques, géologiques et historiques, la liste de vingt-six chênaies parmi les plus belles de France, à l’image de la forêt domaniale de Bercé.

 

Retrouvez l’intégralité de l’abécédaire des grandes chênaies de France, et bien plus encore, dans Le chêne en majesté, de la forêt au vin de Sylvain Charlois et Thierry Dussard.

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