Les chênes à merrain français
12 mai 2022Les chênes à merrain utilisés en tonnellerie ont entre 150 et 200 ans d’âge et plus et représentent 1% du volume de bois français mis sur le marché chaque année. Ces arbres sont par conséquent extrêmement rares.
En France, seuls le chêne sessile (Quercus petraea), également appelé chêne rouvre, et le chêne pédonculé (Quercus robur) sont utilisés en tonnellerie en raison de leurs propriétés chimiques et physiques*.
Ces deux essences, chênes sessiles (12%) et chênes pédonculés (11%), représentent, toutes qualités confondues, 33% du volume de bois vivant sur pied recensés en 2021 (pour un volume total, toutes essences confondues, de 2,8 milliards de mètres cubes en métropole**). Néanmoins, seule une infime partie des chênes rouvres et pédonculés récoltés chaque année répond aux critères de qualité du cahier des charges extrêmement rigoureux des chênes de qualité merrain (croissance lente et régulière qui permet d’obtenir des grains très fins, troncs élancés, droits de fil et avec peu de branches en partie inférieure).
La région Centre France, au sens large du terme, est la région qui concentre les terroirs forestiers les plus propices à la croissance des chênes à merrain. Un terroir forestier correspond à « une exposition, une pluviométrie particulière, un ensoleillement spécifique, auquel il faut ajouter un type d’essences, une densité de plantation et un âge moyen, qui vont influencer le grain et la qualité du bois. Chaque arbre est sensible à un mésoclimat (du grec mesos, « milieu ») qui va pénétrer l’écorce, puis l’aubier et enfin le duramen, le « bois de cœur » que l’on utilise en tonnellerie »***.
Le chêne sessile est présent sur la moitié nord du territoire métropolitain (à l’exception des départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, de la Manche, des Côtes d’Armor, du Morbihan et du Finistère). Les concentrations de chêne rouvre les plus importantes se trouvent dans le sud de l’Île-de-France, l’Yonne, la Nièvre, l’Allier, le Cher, l’Indre, le Loiret, l’Orne, la Sarthe, l’Indre-et-Loire et le Loir et Cher où l’on trouve par ailleurs, à l’exception des chênaies remarquables de la région Grand Est, les plus belles futaies de chêne de France (cf. « Abécédaire des grandes chênaies de France » in Le chêne en majesté de Sylvain Charlois et Thierry Dussard).
Le chêne pédonculé est présent sur tout le territoire métropolitain, à l’exception du sud-est (Alpes et pourtour méditerranéen principalement). Contrairement au chêne sessile, le chêne pédonculé est présent sur toute la façade atlantique. Les concentrations les plus fortes se trouvent en Bretagne, en Vendée, Maine et Loire, Deux-Sèvres, Indre et Loire, Indre, Cher, Allier, Nièvre, le long de la vallée de la Loire et de ses affluents. On trouve également d’importantes concentrations de chênes pédonculés dans le sud-ouest, dans la région du Béarn.
Grâce à des terroirs forestiers propices à la croissance des chênes à merrain, et à une continuité de gestion séculaire, notamment dans les forêts domaniales, la France peut s’enorgueillir de posséder les plus belles chênaies du monde. Une matière première indispensable à la fabrication de fûts de chêne de qualité et qui fait de la France le leader incontesté de la tonnellerie.
Photographie © Christophe Deschanel
*Pour une utilisation en tonnellerie, les chênes sessiles et pédonculés doivent être fendus en merranderie dans le sens du fil afin de garantir l’étanchéité des futures barriques. Contrairement à ses deux cousins européens, le chêne blanc d’Amérique (Quercus alba) n’a pas besoin d’être fendu pour une utilisation en tonnellerie. Il peut en effet être scié sans devenir poreux. Grâce au sciage, le chêne blanc d’Amérique offre un rendement beaucoup plus important que les chênes sessile et pédonculé. De plus, le chêne blanc d’Amérique ne possède pas les mêmes qualités œnologiques et organoleptiques que les chênes sessile et pédonculé.
**Inventaire forestier, Memento 2021.
***Le chêne en majesté de Sylvain Charlois et Thierry Dussard, p. 52.