Patrick Hébert, réceptionneur de grumes chez Nièvre Merrain, raconté par Stéphane Ebel
10 janvier 2020Le dernier des premiers !
L’homme est plutôt discret, voire secret. Casquette vissée sur le crâne, Patrick n’est pas de ceux qui se la raconte et qui se raconte. Pas du genre à faire des simagrées, non plus. Il est 13H ce mercredi 18 décembre chez Nièvre Merrain à Varzy. Patrick laisse son poste de travail pour me consacrer quelques temps pour parler de lui, de son travail et de l’entreprise Charlois.
Parler de lui, c’est pas son truc, les interviews encore moins. Posés dans le self, la discussion s’engage. Patrick a l’accent du terroir, celui qu’on aime en Nièvre et qui la caractérise si bien. Un gars du coin, un gars du cru. Je le devine attachant, un peu rustre comme j’aime, comme pouvait l’être mon grand-père. Encore quelques jours et Patrick Hébert, 60 ans, sera à la retraite. Il va laisser derrière lui quelques 45 années de carrière dont 39 passées chez Charlois. 45 années de labeur, de travail et autant de souvenirs et d’anecdotes qu’il va me livrer, sans se livrer. C’est l’ancienne génération pour qui le travail est une valeur, un honneur. Il est la mémoire du groupe, voire l’esprit. Travailleur, consciencieux, amoureux du travail bien fait. En quelque 39 années passées chez Charlois, il en a vu défiler des grumes, des merrains, des douelles. Des tonnes et des tonnes. « Quand j’ai commencé à travailler pour l’entreprise, nous étions quatre, se souvient Patrick. Pino, Sanchez, Léon et moi. C’était la belle époque, ça bossait dur ! C’était dur, mais c’était différent ». Pas du genre nostalgique Patrick, non, mais quand même.
Murlin, un hangar en tôles ondulées.
Lui, le natif de Châteauneuf-Val-de-Bargis où il réside encore aujourd’hui et où il compte bien passer une retraite paisible, entre chasse, pêche et nature, n’est pas du genre sentimental ou mélancolique. « C’est une nouvelle vie qui commence, c’est tout. J’ai commencé de travailler comme commis de ferme alors que je n’avais pas 15 ans. À l’époque, fallait se débrouiller ». Murlin, il connaissait de nom, comme Charlois. Pas plus. « Un jour, j’ai vu une annonce dans le Journal du Centre. Charlois recrutait. J’ai postulé, j’ai été reçu par Denis. Le lendemain je commençais ». Nous sommes en 1980. « J’ai fait tous les postes à la merranderie. Scieur, fendeur…. Mais ce que je préférais, c’était être sur le parc quand les grumes arrivaient par camions. 16 ou 18 par jours. J’ai vu le boulot évoluer en même temps que la boîte. Quand j’ai commencé, il n’y avait qu’un hangar en tôles ondulées à Murlin, ça a bien changé, m’interpelle-t-il du regard ». La ferme, Charlois, puis l’armée. « J’ai fait un petit bout de chemin dans les carrières à Ciez. Puis l’autorisation d’exploiter a cessé ». À l’époque, Patrick vit à Saint-Bonnot. « Un jour, Denis (Charlois père, ndla) passe me voir et me demande ce que je fais maintenant. En fait il était venu me chercher pour que je revienne bosser avec eux. J’y suis allé et je n’en suis plus reparti ».
« Bien sûr, on faisait déjà des douelles pour les barriques de vin, une partie du bois partait à la scierie de Lormes pour faire des traverses de chemin de fer, il y avait aussi du bois de charpente. Petit à petit la boîte s’est agrandie, le boulot a été automatisé, mais encore aujourd’hui, rien ne remplace l’œil, le touché et la main de l’homme. Et le chêne, c’est lui qui nous rassemble ». Après Murlin, et une opération de la hanche c’est du côté de Varzy, chez Nièvre Merrain, que Patrick va œuvrer et terminer sa carrière, dans ce village situé non loin de Murlin, où tout a commencé, et de Châteauneuf-Val-de-Bargis, où il est né.
Photo © Christophe Deschanel