La leçon dans la forêt de Bercé
4 mars 2021« Il faut bien qu’il y ait un dernier de la classe. Emmanuel était celui-là, non qu’il fut inintelligent mais, poussant loin l’art de la paresse, il considérait l’école comme un lieu d’exception sinon de pénitence. Un matin, il décida de ne point s’y rendre. »
Emmanuel lui préféra la forêt dans laquelle il s’enfonça plus que d’habitude et où il fit la rencontre d’une belle jeune femme blonde qui n’était autre que Chanterelle, la fée des chênes et reine de la forêt de Bercé. Le personnage de Chanterelle, gardienne et esprit de la forêt, est une version moderne des dryades mythologiques.
L’histoire ne dit pas si Emmanuel connaissait l’identité réelle de la fée des chênes qui lui est présentée comme une belle jeune femme. Le questionnant sur la raison de sa présence dans la forêt et faisant ensuite mine de partager son avis sur l’école, Chanterelle lui proposa de faire lui-même la classe aux animaux de la forêt : « Si la classe est ennuyeuse pour l’écolier, ne crois-tu pas, dit la fée, qu’elle présente plus d’intérêt pour celui qui enseigne ? » Emmanuel accepta la proposition de Chanterelle. Voyant le jeune garçon en difficulté devant ses nouveaux élèves, la fée, fine et habile, lui conseilla de préparer soigneusement sa prochaine leçon. Ce que le garçon fit avec entrain.
« Dès lors une vie de travail commença pour Emmanuel. Il suivait avec attention les explications de son maître, apprenait ses leçons, faisait ses devoirs, cherchait même à connaître plus de choses qu’il n’est nécessaire pour les enfants de son âge. Tout cela avait au début un seul objet : préparer la leçon qu’il faisait régulièrement, le soir, aux animaux de la forêt. Puis, l’habitude du travail étant prise, Emmanuel ne sut bientôt plus s’il cherchait à enseigner ou à apprendre. »
Devenu brillant élève, Emmanuel quitta un jour son village pour suivre un destin que l’on dit exceptionnel, au grand dam des animaux de la forêt qui continuèrent néanmoins à se transmettre ses enseignements de génération en génération. Ce qui explique pourquoi « les oiseaux de la forêt de Bercé connaissent aujourd’hui encore leur table de multiplication, les chevreuils et les sangliers consultent les poteaux indicateurs lorsqu’ils hésitent sur la direction à prendre, les fourmis dressent des états compliqués de leurs provisions d’hiver […] Mais comment les hommes sauraient-ils que les animaux qu’ils chassent, écrasent, méprisent ou ignorent connaissent presque autant de choses que la plupart d’entre eux ? »
Visuel : Dessins extraits du livre Histoires de la forêt de Bercé de Christian Pineau, 1958 © D.R.