Inventaire national du Patrimoine Culturel Immatériel – Les savoirs et savoir-faire de la futaie régulière de chêne

Les chênes majestueux des futaies cathédrales sont l’héritage des savoir-faire de générations de forestiers qui pratiquent depuis des siècles la technique sylvicole de la gestion en futaie régulière.

La gestion en futaie régulière consiste à faire pousser, sur une même parcelle, des arbres d’âges et de dimensions sensiblement identiques en passant par six grands stades de croissance : semis (0 à 5 ans), fourré (5 à 10 ans), gaulis (10 à 25 ans), perchis (25 à 75 ans), futaie (75 à 180 ans) et futaie mâture en régénération (180 à 240 ans). Ce mode de sylviculture est primordial pour la gestion durable de la forêt dans la mesure où il résulte de plans de gestion pluridécennaux et d’une continuité de gestion sur plusieurs siècles.

Ancré dans l’histoire des forêts françaises, cette pratique séculaire concerne aujourd’hui environ 500.000 hectares de forêts publiques, principalement domaniales (Bercé, Bertranges, Orléans, Tronçais…). Cette pratique est moins représentée dans les forêts des collectivités ou dans les forêts privées où la gestion en futaie régulière n’a commencé qu’à partir de la deuxième moitié du 20^e siècle.

Afin de soutenir cette pratique sylvicole durable et de garantir son avenir, les « Savoirs et savoir-faire de la futaie régulière de chêne » sont inscrits depuis le 8 juin 2022 à l’inventaire national du Patrimoine Culturel Immatériel*. Cette démarche, pilotée par le ministère de la Culture, reconnaît donc désormais l’importance de cette exception culturelle française, tout en garantissant la sauvegarde de cette pratique sylvicole et tout en assurant la pérennité d’un savoir-faire qui, depuis des siècles, se transmet de génération en génération et irrigue de nombreux autres corps de métiers.

La pratique de la futaie régulière de chêne consiste en effet à élever des chênes élancés avec des troncs rectilignes (droit de fil), cylindriques, sans défauts ni blessures afin de produire des tonneaux de grande qualité ainsi que des pièces de charpente de dimensions exceptionnelles, des meubles et aménagements intérieurs haut de gamme et de reconstituer des carènes étanches de navires en bois.

La sylviculture en futaie est intrinsèquement liée aux activités de merranderie et de tonnellerie car elle permet d’obtenir une qualité de bois exceptionnelle : le chêne à merrain qui représente moins de 1%, toutes essences confondues, du volume de bois français mis sur le marché chaque année. L’âge moyen d’un chêne destiné à la tonnellerie est d’environ 180 ans.

Parmi les enjeux de cette inscription à l’inventaire national du Patrimoine Culturel Immatériel, le fait de contribuer à expliquer et à partager avec le grand public le cycle de vie d’une futaie régulière de chêne, qui suppose des coupes régulières permettant aux plus beaux arbres de se déployer majestueusement, est fondamental pour la pérennité de cette pratique forestière. Car les savoirs et savoir-faire de la futaie régulière de chêne permettent notamment, au-delà des qualités esthétiques indéniables des chênes de futaie régulière et des futaies cathédrales, de maintenir des savoir-faire d’exception variés dont ceux de la tonnellerie française.

*Le patrimoine culturel immatériel comprend les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine.

Photographies © Christophe Deschanel