Année Colbert – 350 ans de l’Ordonnance de Louis XIV sur le fait des Eaux et Forêts
13 août 2019
L’Ordonnance générale sur le fait des Eaux et forêts a été « vérifiée en Parlement & Chambre des Comptes » il y a 350 ans, le 13 août 1669. Cette ordonnance permit d’unifier et de compiler, tout en les perfectionnant, la législation et la jurisprudence forestières mises en place depuis l’ordonnance de Charles V de 1376 qui règlementait les droits d’usage forestiers et l’Édit de Brunoy (1346) qui ordonnait quant à lui de réaliser les coupes de bois de façon « que lesdites forez et bois se puissent perpétuellement soustenir en bon estat ».
L’Ordonnance de 1669, « méditée et préparée pendant huit années par Colbert et par les hommes les plus habiles qu’on ait pu réunir dans toutes les parties du royaume* », s’inscrit dans la continuité de l’Arrêt du Conseil du 15 octobre 1661 par lequel Louis XIV, sous l’impulsion de Jean-Baptiste Colbert, engagea la réformation générale des forêts. Dans son préambule, l’ordonnance de 1669 précise : « Le Ciel a tellement favorisé l’application de huit années que nous avons données au rétablissement de cette noble et précieuse partie du domaine, que nous la voyons aujourd’hui en état de refleurir plus que jamais, et de produire avec abondance au public tous les avantages qu’il en peut espérer, soit pour les commodités de la vie privée, soit pour les nécessités de la guerre, ou enfin pour l’ornement de la paix et l’accroissement du commerce, pour les voyages de long cours dans toutes les parties du monde. »
Colbert réussit ainsi à convaincre Louis XIV que les centaines de milliers d’arpents boisés du domaine royal** pourraient être une source de revenus considérable à condition d’y remettre de l’ordre. Grâce à la Grande Réformation, dont la mise en place dura au final plus de 20 ans, le revenu net des forêts royales passa de 228.000 livres en 1661 à 1.028.000 livres en 1683. Le bois, d’une importance stratégique, représentait à l’époque l’unique source d’énergie (bois de chauffage et bois combustible pour les verreries, forges, tuileries et fourneaux) et le matériau indispensable aux projets architecturaux du Roi Soleil et au développement de la marine de guerre et de la marine marchande. Dans une lettre adressée à l’intendant général de la marine du Ponant à La Rochelle le 24 janvier 1666, Colbert donnait par exemple ses instructions sur l’achat des matières premières nécessaires à la construction des vaisseaux de la marine royale : « Il faut travailler à chercher des bois de charpente pour les vaisseaux sur la rivière de Loire et sur toutes les rivières affluentes, en particulier dans le Berry, Bourbonnais, Nivernais où vous en trouverez assurément une très grande quantité. »
Simplifiant les usages, les amendes, les juridictions, la hiérarchie, l’Ordonnance de 1669 instaura pour l’exploitation et la conservation des forêts de la Couronne des règles précises tout en soumettant l’exploitation et l’administration des bois des laïcs et des ecclésiastiques à un contrôle étroit des officiers du Roi. Concernant l’exploitation, l’Ordonnance réglementa les coupes par la mise en réserve d’un quart de la surface des forêts et la conservation de 32 baliveaux à l’hectare. L’âge d’abattage des arbres fut porté à vingt ans***.
Préservées à l’époque pour leur intérêt économique et militaire, les forêts, dont les futaies cathédrales héritées des siècles passés sont les monuments emblématiques, apparaissent aujourd’hui comme des écosystèmes exceptionnels que certains voudraient sanctuariser. C’est oublier que, sans l’action des forestiers, les forêts françaises ne seraient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. Gérer la forêt permet en effet de favoriser sa vitalité, son renouvellement permanent et sa sécurité face aux risques naturels (incendies, insectes…). Gérer les forêts, c’est également répondre au mieux au besoin de nature de la population tout en veillant à la production de bois d’œuvre de qualité. Alors, profitez de la période estivale pour parcourir les allées forestières des plus belles forêts de France en gardant à l’esprit le travail accompli par Colbert il y a 350 ans pour la préservation et la valorisation de notre inestimable patrimoine forestier.
* Extrait du rapport fait au nom de la Commission chargée de l’examen du projet de Code forestier à la Chambre des Pairs (8 mai 1827).
** D’après les statistiques dressées à l’époque de la Grande Réformation, Michel Devèze estime le total général des bois royaux à 1.318.705 arpents, soit environ 672.500 hectares.
*** Un baliveau est un arbre réservé dans la coupe d’un taillis pour qu’il puisse croître en futaie. Au 17esiècle, les forêts étaient principalement exploitées en taillis avec des révolutions assez courtes (entre 18 et 20 ans) liées à l’usage du bois : la circonférence des rondins pour la confection du charbon de bois était en effet comprise entre 17,5 et 35 cm.
2019, Année Colbert : Tout au long de l’année 2019, la ville de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine, propose une programmation (conférences, expositions, visites guidées, films, concerts…) en hommage à Colbert, figure incontournable de l’histoire de France.