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Portrait

Jérémy Manias raconté par Stéphane Ebel

27 juin 2024

En merrain conquis

 

Si l’ADN de Charlois, c’est la forêt, et plus précisément le chêne, l’ADN de Jérémy, c’est Charlois. Arrivé dans l’entreprise à l’âge de 21 ans, le jeune homme de l’époque s’est pris de passion pour la famille du bois. Portrait !

 

Avec Jérémy, l’heure, c’est l’heure. Et, comme le garçon est plutôt matinal et ponctuel, j’ai mis deux réveils pour être sûr d’être pile au rendez-vous. Passer une journée avec Jérémy, c’est s’immerger dans la famille Charlois, dans la merranderie, dans le bois, dans l’histoire. Jusqu’à présent responsable de production de Nièvre Merrain, Jérémy a récemment été sollicité pour superviser également la première transformation pour les sites de Maison Charlois (Murlin) et des Ateliers du Chêne (Saint-Martin-du-Puy). Il a hésité quelque temps avant de répondre par la positive et de relever un défi fait pour lui. Du sur-mesure.

 

Meneur d’hommes

La journée démarre par Murlin, puis les Ateliers du Chêne à Saint-Martin-du-Puy et Nièvre Merrain, son antre de Varzy. Un à un, poste par poste, Jérémy salue ses collègues d’une franche poignée de main. « C’est important de passer voir les gars, de les saluer, d’échanger, de prendre des nouvelles, de prendre le pouls. C’est l’occasion de passer des infos aussi ». Tout en discutant, Jérémy garde un œil sur la production, sur les planches de merrain fraîchement délignées et empilées. Il marque le pas, fait marche arrière, saisit un merrain sur le dessus de la pile : « Pas bon celui-là, au rabotage ». Au fil des années, celui qui a commencé comme manutentionnaire, puis scieur, a appris à lire le bois par cœur, à respecter et valoriser la matière. Une matière rare et précieuse. « Il y a le boulot et la réalité du monde de l’entreprise. Notre matière première est rare et précieuse et donc chère. Il ne faut pas la gaspiller ».

 

Arrivé dans la Nièvre à 4 ans

Jérémy, c’est un ch’ti. Un gars du Nord, de Lille. La Nièvre, il y est arrivé alors qu’il n’avait que 4 ans à la suite de la mutation de son paternel. Quand le patriarche quitte le foyer, Jérémy, ses frères et sœurs, sont élevés par leur mère, à deux pas de Murlin, à La Celle-sur-Nièvre. L’école, le collège à Prémery, les tours de vélo jusqu’à Murlin, déjà. Et le foot. Un élément déterminant à plus d’un titre. Il excelle sur les terrains, il se forge une certaine réputation, un peu teigneux. « Je n’étais pas le meilleur au ballon, mais je ne lâchais rien ». Un tour par le sport-étude de Montceau, et Jérémy comprend que ce n’est pas grâce au foot qu’il va gagner sa vie. Retour au bercail et dans le giron familial. Il rejoint le club de La Charité du président Le Métayer. Un petit boulot d’entraîneur des équipes de jeunes et l’entretien du stade. Puis l’armée où il officiera comme maître-chien. Suivront quelques petits boulots dans la sécurité grâce à son bagage militaire et, toujours et encore, le foot. Contacté par un club évoluant dans les divisions supérieures, Jérémy en appelle à son président : « Si tu veux me garder, fais-moi rentrer chez Charlois ! » Ce qu’on appelle aller droit au but !

 

Manias du merrain

Quelques jours plus tard, c’est Xavier Charlois qui reçoit le jeune Manias. « C’était en été. J’étais en tee-shirt, short et claquettes, se rappelle Jérémy. Xavier me demande si je peux commencer l’après-midi. Vu ma tenue estivale, un peu compliqué. J’ai embauché le lendemain matin à 5h comme manutentionnaire. Il y a 28 ans ». Chez Charlois, on l’appelle le « p’tit jeune ». Du haut de ses 21 ans, il apprend au contact des anciens et se prend de passion pour le bois, pour la merranderie et tous ses postes. « Je suis assez curieux, j’aime comprendre ce que je fais et pourquoi, comment ça fonctionne. » Courageux, méticuleux, opiniâtre, attentif, respectueux… autant d’adjectifs dont on peut affubler Jérémy. Un homme de caractère qui n’oublie pas d’où il vient. Un homme de parole, pas en l’air. Un Charlois dans l’âme. Lorsqu’il parle de Denis, il dit Monsieur : « J’ai un profond respect pour Monsieur Charlois (Denis), pour Sylvain, pour l’entreprise. Si je suis ce que je suis aujourd’hui, c’est en partie grâce à eux et sans doute à mon travail aussi ».

 

Au travail comme sur le terrain

La merranderie n’a plus de secrets pour lui. Le savoir acquis, il le transmet sans rechigner. « C’est un travail d’équipe, c’est ce qui me plaît aussi. C’est un peu comme au foot ». Joueur tenace, capitaine courage, entraîneur, Jérémy est un meneur d’hommes. « Pour avancer dans le même sens, il faut de la cohésion, un esprit d’équipe, des valeurs communes. C’est un tout. Une personne à sa place et une place par personne, en l’occurrence, celle où on est le plus performant, le plus à l’aise. C’est comme cela qu’on gagne des matchs au foot et c’est comme ça qu’on gagne en efficacité, en productivité et en rendement matière au boulot ». Avoir des bons joueurs dans une équipe, c’est bien, les faire évoluer à la bonne place et ensemble, c’est mieux.

 

 

Trois questions à Jérémy :

Jérémy, à 49 ans, vous avez 28 ans d’ancienneté. On peut imaginer qu’à l’heure de la retraite vous aurez passé plus de 40 ans chez Charlois. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

(silence – réflexion)… Je n’y ai jamais vraiment pensé, mais en effet ça peut faire ça. Et je n’ai ni l’intention de changer de boîte, ni de région. J’aime mon métier, l’ambiance. J’aime ce que je fais. Je me suis épanoui ici en tant qu’homme. Je suis reconnaissant. C’est très enrichissant de travailler ici. Je ne connaissais pas du tout le milieu du bois. Quand je suis arrivé ici, je me suis dit que je resterai un an ou deux et puis je chercherai autre chose. Finalement, il faut croire que je me suis plu ici.

 

Quel regard portez-vous sur votre carrière ?

Je me dis surtout que la vie tient parfois à peu de choses. Avant de rentrer chez Charlois, je devais rentrer chez Lambiotte à Prémery. Le week-end juste avant, je me suis fait une entorse au foot. Je n’ai donc pas pu embaucher là-bas. Autant vous dire que je ne regrette pas. J’ai commencé au bas de l’échelle. Petit à petit, j’ai pris des responsabilités. C’est ce qui est bien chez Charlois. Tu bosses, tu progresses. Il y a une logique. Je me souviens au début que je travaillais à Murlin, ma mère passait souvent devant. Elle était triste que je travaille là. Elle pensait que je méritais mieux. Moi, je lui disais que j’étais bien, que le boulot me plaisait et en plus j’avais une bonne paye à la fin du mois. Maintenant ça va, elle est plus contente de ce que je suis devenu.

 

Et sur l’entreprise, son évolution ?

Disons que ça n’a plus grand-chose à voir avec ce que c’était il y a 28 ans. Quand je suis arrivé il n’y avait que Murlin et la scierie à Givry. Au fil des années, l’entreprise a grandi pour être ce qu’elle est aujourd’hui. Et sans doute que ce n’est pas terminé. Sylvain a toujours été un visionnaire, un passionné. J’ai apprécié travailler avec lui comme avec Monsieur Charlois. J’ai beaucoup appris. Les valeurs sont malgré tout restées les mêmes, il faut veiller à les transmettre au même titre que les savoir-faire.

 

 

Photographie © Christophe Deschanel

 

 

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