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Histoire de la tonnellerie

Le méchage soufré

3 mars 2022

La découverte de la protection du vin par la combustion de soufre dans les tonneaux (Dutch Match) est une invention hollandaise dont on trouve mention pour la première fois à Bordeaux en 1765*.

 

Cette opération consiste à aseptiser un fût, sans pour autant désinfecter le bois en profondeur, en introduisant à l’intérieur, via le trou de bonde, une mèche de soufre allumée. Les vapeurs de gaz sulfureux qui se dégagent vont alors tuer les bactéries présentes tout en contribuant au sulfitage du vin élevé ensuite dans ce fût.

Jean-Robert Pitte (Bordeaux Bourgogne : Histoire d’une rivalité) confirme l’importance de cette découverte en précisant que « la grande révolution du 18e siècle dans le domaine de l’hygiène vient de Hollande : c’est l’usage du soufre. Une mèche soufrée est brûlée dans le fût rincé – qui accueille ensuite le vin provenant d’une barrique soutirée –, afin de l’aseptiser, c’est-à-dire de tuer la faune bactérienne. Même si le vin perd un peu de couleur à cette occasion, il la retrouve vite et il se conserve longtemps. » 

De nos jours, les doses de soufre, ou dioxyde de soufre (SO2), utilisées pour stabiliser les vins microbiologiquement et les protéger de l’oxydation, ont largement diminué. Les connaissances techniques sur la microbiologie du raisin et du vin ont en effet permis de mettre en place plusieurs techniques alternatives. On peut citer par exemple l’utilisation de glace carbonique ou du froid en général sur les raisins et les moûts avant fermentation ou bien la filtration stérile. Les vins naturels sans sulfites ajoutés sont par ailleurs en plein essor et s’inscrivent dans une tendance de fond plus générale de développement de l’agriculture biologique.

 

Pour conclure, la découverte du méchage soufré a en grande partie contribué au fait que le tonneau soit passé, au fil de son histoire, du statut de simple contenant de transport à celui d’outil de vinification comme le soulignait déjà Henri Enjalbert en 1975 dans son Histoire de la vigne et du vin. L’avènement de la qualité : « La vinification fut améliorée dès qu’on sut stériliser, par des mèches soufrées, les cuves et les tonneaux. Dès lors, le vin pouvait vieillir. On apprit à régler cette opération délicate en multipliant les soutirages et en pratiquant le collage au blanc d’œuf. Ainsi clarifiés et logés dans des fûts de chêne neufs, les vins acquirent les qualités propres aux Grands Vins. »

 

*René Pijassou a découvert la première mention de ce procédé dans un texte rédigé en anglais datant de 1765, conservé dans les archives du négociant des Cartrons Johnston.

 

Visuel © Christophe Deschanel

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