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Histoires de familles

Denis Charlois

3 juin 2021

L’homme de Murlin

À 82 ans, Denis Charlois est à la fois l’âme et l’homme de Murlin. Le patriarche, le fils de celui par qui tout a commencé dans le village.  Parler avec Denis Charlois, c’est remonter le temps, traverser l’histoire, son histoire, celle de Murlin, de la forêt, du chêne, des métiers du bois et de la petite entreprise de merrandiers devenue en 2005 le groupe Charlois.

 

La forêt des Bertranges, fief des Charlois depuis le milieu du XVIIe siècle. La D38 traverse Murlin en direction de la Charité. En venant de Saint-Aubin-les-Forges, sur la gauche, l’atelier de merranderie et le siège du groupe. Sur la droite, le restaurant de l’entreprise et une partie des bureaux, le labo, la manufacture tonnelière La Grange et les ateliers de Technoak. De part et d’autre de la départementale, des parcs à bois dans lesquels sont stockées des piles de merrain qui fourniront en partie les tonnelleries du groupe. Tout autour du village, la forêt, dont celle des Bertranges, berceaux du chêne majestueux.

 

Il est midi passé de quelques minutes. Denis Charlois est là. Comme tous les jours ou presque. À la retraite depuis près de 15 ans, il a donné sa vie à son entreprise, comme son père avant lui et ses fils aujourd’hui. Une poignée de main ici, un bonjour par là. Ici, tout le monde connaît Denis Charlois et le respecte. Pour certains, il a travaillé avec leur père, pour d’autres, il est comme un père : bienveillant. En épicurien qui se respecte, les premiers échanges sont accompagnés d’un bon vin, c’est de tradition. L’actualité du moment, et qui dure, c’est la crise sanitaire qui touche la planète. « Dans la vie d’une entreprise, il y a toujours des couacs, c’est comme ça qu’on voit si on est solide ». La voix est calme, posée, un peu rocailleuse. Les « r » s’entrechoquent comme pour mieux se rouler. Les personnes qui entrent dans le restaurant viennent le saluer. Ambiance chef de famille, chef de clan.

 

 

De père en fils

« J’ai la chance d’avoir des successeurs souligne Denis Charlois ». Certes, mais les fondations étaient bonnes. « J’ai commencé de travailler juste après le certificat d’études avec mon père sur les chantiers de fentes. J’avais 14 ans ». Nous étions en 1952. Eugène Charlois, père de Denis, a créé la merranderie de Murlin en 1928 après avoir travaillé de nombreuses années au cœur de la forêt au même titre que ses ancêtres avant lui. « C’était un homme au très fort capital sympathie et un très bon professionnel ». Les souvenirs affluent, aussi précis que ciselés. Denis ne s’est jamais posé la question de ce qu’il ferait plus tard. Il était écrit qu’il travaillerait aux côtés de son père. Une courroie de transmission qu’il s’est attaché à perpétuer avec ses enfants et ses petits-enfants. « J’aimais ça, j’aime ça. C’est ma vie ».

 

 

Un temps où les tronçonneuses n’existaient pas !

Les Charlois sont fendeurs de bois depuis 12 générations. Ils fabriquaient du merrain, parfois en pleine forêt. Des chantiers volants. « Avec mon père, on fendait le bois. On embauchait des tâcherons pour couper les arbres. Il nous arrivait de le faire nous-mêmes. À l’époque, se souvient Denis, il n’y avait pas de tronçonneuses, on utilisait des « passe-partout ». Le boulot était dur, mais plaisant. Petit à petit, le jeune Denis fait ses armes, il s’aguerrit au métier de fendeur et apprend celui d’acheteur.

 

 

Une affaire d’hommes

De semaines en mois, en années, Denis Charlois se forge une solide réputation. Celle d’un gars qui connaît le boulot, qui a le sens des affaires, un gars honnête, loyal. Avec Denis, une poignée de mains vaut contrat.  Si le commerce du bois prend de plus en plus de temps et de place dans l’agenda de Denis, la forêt, les bois, sont toujours présents dans son esprit et dans sa vie. « Je me souviens, quand on était gamins, on allait dans les bois à la recherche des cabanes de tâcherons ».

C’était au siècle dernier certes, beaucoup de choses ont changé, évolué, depuis. Mais l’esprit Charlois est toujours là. Accroché aux valeurs humaines, à celles du travail et du mérite. Un esprit que Denis a hérité de son père, Eugène, et qu’il a transmis à ses 4 fils : Xavier, Lionel, Sylvain et Romain. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice. Parler de ses fils, n’est jamais anodin pour Denis Charlois. Surtout lorsqu’il évoque la mémoire de Lionel, disparu il y a quelques années. Un drame dont il ne s’est jamais remis et qui a conduit Sylvain à prendre les rênes de l’entreprise familiale en 2000 succédant à son frère aîné. « Tout le monde était effondré et pas seulement la famille. Sylvain a su rebondir et prendre ses responsabilités, faisant de l’entreprise un groupe aujourd’hui connu et reconnu dans le monde entier. Sans lui, allez savoir ce qu’il serait advenu de la maison Charlois ». 20 ans plus tard, le groupe Charlois prospère, les valeurs humaines et familiales chevillées au corps. Une fierté pour Denis qui a toujours un œil sur ce qui se passe du côté de Murlin et qui n’hésite pas à donner son avis si on le lui demande.

 

 

Portrait écrit par Stéphane Ebel

Photo © Christophe Deschanel

 

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